D'abord, pour situer le lecteur (si je suis bon écrivain), ma vie commence en 1949 au mois de mai, le 18ième jour.
Ma mère qui à l'époque comme beaucoup, beaucoup d'autres femmes, accouche plus qu'annuellement de rejetons, et chaque naissance est pour elle un calvaire, sa santé précaire l'oblige à chaque fois à séjourner à l'hôpital, ce qui évidemment occasionne des frais beaucoup trop onéreux pour mon père, ouvrier de la construction. Maigre salaire, famille qui ne cesse de s'accroître et de croître. La pauvreté vit avec nous. Elle est bien installée, elle est chez elle.
Donc, ma mère se prépare pour accoucher à la maison aidée d'une sage-femme; La voisine qui depuis longtemps a son diplôme d'accoucheuse étant donné son expertise dans l'élevage de ses vingt-quatre enfants, en plus de nombreuses fausses-couches. Eau chaude, linges propres, tout est mis en place pour un banal accouchement. Complications: Phléboragie se déclare. Urgence en la demeure. Vie maternelle et infantile menacées. Vies suspendues. Laquelles choisir... Miracle! Les deux vies sauvées. Des séquelles neurologiques détectées chez la mère et l'enfant. J'arrive, je nais à la vie. Deux longs mois de convalescences, où les enfants précédemment nés, se retrouvent chez grand-mère, ou ailleurs. Le mal est fait. Maintenant, la mère et l'enfant vont vivre les mêmes angoisses, les mêmes peurs, les mêmes craintes. Ils sont unis à jamais. Ce jumelage, ces siamois neuropathiques, vont se ressembler dans le langage, dans le gestuel, dans le comportement. Nous sommes deux et pourtant, nous ne formont qu'un seul être. Ce qu'elle vit, je le vis. Ce qu'elle ressent, je le ressens. Ma santé est précaire autant que la sienne. Comment exprimer la pauvreté sous toutes ses formes.
Ma mère qui à l'époque comme beaucoup, beaucoup d'autres femmes, accouche plus qu'annuellement de rejetons, et chaque naissance est pour elle un calvaire, sa santé précaire l'oblige à chaque fois à séjourner à l'hôpital, ce qui évidemment occasionne des frais beaucoup trop onéreux pour mon père, ouvrier de la construction. Maigre salaire, famille qui ne cesse de s'accroître et de croître. La pauvreté vit avec nous. Elle est bien installée, elle est chez elle.
Donc, ma mère se prépare pour accoucher à la maison aidée d'une sage-femme; La voisine qui depuis longtemps a son diplôme d'accoucheuse étant donné son expertise dans l'élevage de ses vingt-quatre enfants, en plus de nombreuses fausses-couches. Eau chaude, linges propres, tout est mis en place pour un banal accouchement. Complications: Phléboragie se déclare. Urgence en la demeure. Vie maternelle et infantile menacées. Vies suspendues. Laquelles choisir... Miracle! Les deux vies sauvées. Des séquelles neurologiques détectées chez la mère et l'enfant. J'arrive, je nais à la vie. Deux longs mois de convalescences, où les enfants précédemment nés, se retrouvent chez grand-mère, ou ailleurs. Le mal est fait. Maintenant, la mère et l'enfant vont vivre les mêmes angoisses, les mêmes peurs, les mêmes craintes. Ils sont unis à jamais. Ce jumelage, ces siamois neuropathiques, vont se ressembler dans le langage, dans le gestuel, dans le comportement. Nous sommes deux et pourtant, nous ne formont qu'un seul être. Ce qu'elle vit, je le vis. Ce qu'elle ressent, je le ressens. Ma santé est précaire autant que la sienne. Comment exprimer la pauvreté sous toutes ses formes.
Blackout
Aucun souvenir jusqu'à l'âge de 5 ans. Absence totale. Un réveil s'opère en moi. L'accident mortel de ma petite soeur aînée d'un an, ainsi que mon hospitalisation presque à quelques jours d'intervalles font que la vision que je garde au fond de mon esprit et qui me hante jusque dans le fond de ma chambre d'hôpital d'où je viens d'être opéré au cerveau, me procure un sentiment d'abandon. Ma mère pleure la mort tragique de ma soeur, mon père est anéantit de culpabilité, car l'accident bête et surtout imprévisible, s'est produit. Nous sommes sur une route de campagne. La vieille bagnole grise dont la porte arrière du côté gauche ne s'ouvre plus parce que soudée par l'impact d'un précédent accident. Le garagiste quelques jours avant, avait dit à mon père qu'il n'y avait aucun danger, et que cette portière ne s'ouvrirait plus jamais. Cette néfaste petite route qui nous mène tous vers l'hôpital de Sorel pour mon urgente opération. Une natoïdite qui a mal été soignée sous les conseils d'un vieux médecin de campagne à tournée en empoisonnement, et s'est logée près de mon cerveau. Il faut ouvrir et gratter l'os. Donc, toute la famille qui compte maintenant 7 enfants tous en assez bas âge, soit entre 3 et 9 ans, tout ce beau monde, cette turbulente marmaille, chante, rie, crie. Ma petite soeur se lève et s'approche de la banquette avant pour parler à ma mère. Mon petit frère prend sa place. S'ensuit alors une dispute entre les deux minuscules bélligérants. La voix de mon père retentit sévère, cinglante. Je déteste déjà le tiraillage. Ça n'a jamais été un bon présage pour moi. Je m'énerve. Je sens que quelque chose se trame. Mon angoisse augmente en même temps que celle de ma mère. Au même moment mon père distrait conduit directement la vieille bagnole qui roule dans un trou assez profond. Sous l'impact, la portière se déssoude, elle s'ouvre et ma soeur est projetée hors de l'auto, et sa tête heurte violemment une grosse roche qui trône sur l'autre côté du fossé. Ma mère instinctivement, maternellement se retourne et réalise que la portière est grande ouverte. Elle hurle à mon père que ma soeur n'est plus dans l'auto, un silence de mort règne à l'arrière. L'auto recule. L'image va me rester toute ma vie. Quelques soubresauts secouent ma frêle petite soeur, mon père la prend l'apporte dans l'auto, mon frère le plus vieux tient tant bien que mal la portière attachée avec un moyen de fortune. Nous arrivons à un village où le médecin de l'endroit constate le décès. Mes parents doivent me conduire à l'hôpital, car je dois y être opéré durant la nuit suivante. Quelqu'un doit s'occuper de ma petite soeur. Quelqu'un devait aussi me conduire à l'hôpital.
Lorsque j'ai revu ma mère, c'est à travers le grillage d'une chambre aseptisée, parce que je jouais avec une petite fille tuberculeuse et que tous les deux étions en quarantaine. Les visites se passaient séparés par une vitre de quelques centimètres de large et à peine quelqu'autres centimètres de plus sur la hauteur. Aucun contact. La seule figure que j'imprimais dans ma tête, était celle de ma mère qui pleurait et dont la voix à peine perceptible me disait qu'elle m'aimait. Puis plus rien. Faux. Une petite boîte de biscuits sous formes d'animaux qui me laissaient espérer la revoir le jour d'après, l'angoisse de ne plus la revoir m'étouffait. Après chacun de ses départs, je fondais en larmes. Crainte de ne plus la revoir, peur qu'elle m'oublie. Je vivais l'abandon. J'aurais aimé me blottir dans ses bras, me rassurer, toujours la porte qui nous séparait restait fermée et barrée. Un déchirement m'envahissait chaque fois. Mon père, je ne le vis point durant mon long séjour à cet hôpital de Sorel. Je me sentais seul. D'ailleurs, je me suis toujours senti seul durant toute mon enfance, même parmi mes frères. J'étais toujours seul. Les jeux enfantins n'étaient pas pour moi. Je n'en éprouvais aucun plaisir, pour moi c'était une corvée.
Avant l'accident qui coûta la vie à ma petite soeur, nous étions constamment ensemble. Un même sentiment religieux nous unissait. Chaque jour, nous jouions à la messe. Nous fabriquions des hosties avec des mies de pains. La coupe était supervisée par ma soeur qui ne laissait rien au hasard. Elles devaient être toutes taillées de la même façon, rondes, minces et surtout très blanches, pures. Puis elle posait sur un bureau un drap blanc, plaçait un crucifix au centre, les hosties dans une soucoupe blanche. Elle entrait ensuite dans le garde-robe et quelques instants après, la porte s'ouvrait laissant apparaître une frêle madone tout de blanc vêtu. Nous nous agenouillons, puis l'on priaient, communiaient et parlions à Dieu. Un Dieu aimant, bon, miséricordieux. Jamais de sa bouche une méchanceté n'est sortie. Elle n'était que douceur, pureté, blancheur. Non! Ce n'est pas l'effet de mon imagination. Elle avait été vue par des religieuses qui étaient stupéfiées de constater que cette petite fille soit aussi intelligente et nettement supérieure à la moyenne, soit en même temps aussi lucide face à sa compréhension du Divin, son abandon total à Dieu. Je vivais cela. Je faisais partie intégrante de son cheminement. Pour les médecins, c'était un phénomène. Sa conversation était celle d'un adulte. Une semaine après sa première communion, l'accident se produisit. Plus de petite soeur à mon retour de l'hôpital. Je l'ai cherché, Dieu l'avait trouvé avant moi, avant même mon entrée à l'hôpital. Pour moi, la dernière fois que je la vis, elle dormait. Fini les messes. Le sentiment religieux, l'amour de Dieu, elle me l'a légué.

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